Origine et usage :
Ce principe a été inscrit à l’article 2 de la Charte des Nations unies explicitement pour l’organisation nouvellement créée, prévoyant qu’aucune disposition de la Charte « n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État », à moins qu’il existe de graves menaces pour la paix internationale, de rupture de la paix ou d’actes d’agression. Le même principe est reconnu pour la relation entre les États.
Neuf ans plus tard, la Chine a intégré ce concept à un accord avec l’Inde sur le commerce au Tibet. L’accord de 1954 a également introduit les principes de la politique étrangère moderne chinoise : « respect mutuel pour la souveraineté et l’intégrité territoriale », « non-agression mutuelle », « non-ingérence dans les affaires les uns des autres », « égalité et coopération mutuellement avantageuse » et « coexistence pacifique ».
Les « Cinq Principes de la Coexistence pacifique » ont ensuite été inscrits au Préambule de la Constitution chinoise et intégrés à des traités entre la Chine et plusieurs de ses voisins asiatiques. Plus récemment, le président Xi Jinping a fait référence à la « non-ingérence dans les affaires internes » dans le cadre de son approche des « cinq non » dans ses relations avec l’Afrique lors de son discours d’ouverture au Sommet de Pékin de 2018 du Forum sur la coopération sino-africaine (voir ci-dessous).
La Chine s’est appuyée sur les Cinq principes pour proposer une vision spécifique au monde, selon laquelle l’égale souveraineté de tous les États, grands ou petits, riches ou en développement, du nord ou du sud, est essentielle. Mais la Chine a également instrumentalisé le principe de non-ingérence pour rejeter les propositions destinées à améliorer les droits humains dans le pays.
En 2018, la Chine a rejeté 62 recommandations formulées par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU après l’examen périodique universel du pays. Ainsi, la Chine a non seulement exprimé son désaccord avec les conclusions du Conseil, mais a également qualifié les critiques d’ingérence dans la souveraineté et les affaires internes du pays. La plupart des recommandations concernaient le recours persistent de la Chine à la peine de mort, les restrictions des libertés individuelles et l’assujettissement des minorités ethniques au Xinjiang et au Tibet.
Implications pour les droits humains
Le statut de membre permanent du Conseil de sécurité de la Chine et les sièges qu’elle occupe régulièrement dans d’autres organes de l’ONU, comme au Conseil des droits de l’homme, placent le pays dans une position puissante pour avancer ses priorités et rejeter ou contrer des actions qui vont à l’encontre de ses objectifs de « non-ingérence ».
En plus d’utiliser le principe de « non-ingérence » pour rejeter les critiques sur ses propres violations des droits humains, la Chine applique ce principe à ses relations commerciales avec d’autres pays. Par conséquent, certains pays aux mauvais bilans en matière de droits humains peuvent être assurés que les entreprises d’État chinoises menant des opérations sur leur territoire fermeront les yeux sur les violations qui y sont commises.
La « non-ingérence » poussée à l’extrême entraîne l’impuissance de la communauté internationale en vue d’améliorer ou de critiquer la situation des droits humains dans tout pays. L’impunité pour les violations des droits humains s’aggravera si les tentatives extérieures de lutter contre ces atteintes sont excessivement qualifiées d’« ingérence dans les affaires internes ». Le système international de défense des droits humains existe justement parce que les États ne se conforment souvent pas à leur obligation de respecter, protéger et réaliser les droits humains et parce que mettre fin à de graves violations des droits humains est l’affaire et l’obligation de la communauté internationale dans son ensemble. Les personnes qui n’ont pas accès à de véritables systèmes efficaces pour les réparations et l’obligation de rendre des comptes doivent pouvoir faire appel à des institutions qui ne sont pas contrôlées par leur gouvernement. Les institutions représentant le droit international, comme l’ONU, doivent pouvoir intervenir lorsque les gouvernements ne protègent pas les droits des personnes sous leur contrôle ou les bafouent activement.